La chronique des Litanies de l'Unique de Lancelot Sablon

Titre : Les Litanies de l'Unique, tome 1
Auteur : Lancelot Sablon
Éditeurs : Auto-édité
Nombre de pages : 580 pages
Résumé :
« Dans une Contrée unifiée par la force et opprimée par l'Unique Dogme, l'isolement est gage de survie ».
C'est un des préceptes que leur a enseigné le doyen, celui-là même dont Ghaal a retrouvé la tête, empalée au milieu de son village en ruine. Depuis, son seul but a été de quitter la Contrée-Unie pour laisser son passé, son deuil et l'aiguillon de la vengeance derrière lui.
Mû par le désir de changer de vie, Ghaal s'approprie le nom d'une divinité dont parlent les mythes d'au-delà la Contrée : le Drakhal'in. Jamais il n'aurait pensé que le nom du dieu aux mille visages puisse bouleverser sa vie, éveillant ainsi l'intérêt des Hérétiques, un groupe de rebelles cherchant à renverser la suprématie de l'Incarnation de l'Unique.
Drakhal'in devra lutter pour ne perdre ni la raison ni son identité, son esprit malmené par un étrange pouvoir dont il ne maîtrise pas la portée.
Ma chronique :
Tout d'abord, je tiens à remercier Lancelot Sablon pour sa confiance et sa dédicace ainsi que Simplement.pro grâce à qui tout est possible.
Aujourd'hui je vous retrouve donc avec un roman de fantaisie un peu hors du commun dans lequel, le personnage principal, Ghaal, perd tout lorsque son village est anéanti par le Dogme en place dans la Contrée-Unie. Il va donc tout quitter et changer de nom, prenant celui d'une divinité sans savoir les conséquences d'un tel choix. En effet, les Hérétiques, un groupe de rebelles, se sont par la suite intéressé à lui. De plus, Ghaal va devoir lutter pour garder la raison et son identité, son esprit étant malmené par un étrange pouvoir qu'il ne maîtrise pas.
Attention, je tiens cependant à prévenir les potentiels futurs lecteurs que ce n'est pas une fantaisie jeunesse, c'est un ouvrage pour adulte, notamment à cause de ses scènes violentes.
Comme pour mes précédentes chroniques, je vais décortiquer mon argumentation en plusieurs parties : l'écriture, les personnages, l'intrigue et le monde.
Écriture
L'écriture de l'auteur est vraiment très agréable, assez simple, mais parfaitement adaptée à son univers et à ses personnages. En effet, Lancelot Sablon semble maîtriser parfaitement sa plume, permettant aux lecteurs d'avoir une lecture fluide. Quant à l'équilibre narratif — c'est-à-dire, à l'équilibre entre les dialogues et les descriptions —, celui-ci penche beaucoup vers les descriptions. Ce qui parait assez évident, car, tout d'abord, c'est un premier tome d'une saga de fantaisie. De plus, c'est également un roman très psychologique, très profond. Ainsi, il y a bien plus de descriptions et d'introspections que de dialogues. Cependant, ça n'alourdit pas le récit pour autant. Cela le ralentit, certes, mais cela reste très agréable. Au début du roman, c'est tellement bien décrit que j'ai l'impression de me promener en forêt avec Ghaal. Quant aux dialogues, bien que moins nombreux, je les trouve très bien écrits. Il n'y a pas de dialogues inutiles et on sent les relations des différents personnages lorsqu'on les lit. En plus de cela, j'ai également remarqué, notamment dans les dialogues, que l'auteur arrive à adapter son écriture à ses personnages, ce qui, je trouve, est une vraie prouesse. C'est difficile de changer sa plume en fonction du point de vue. Ainsi, grâce à sa plume, l'auteur parvient à nous transmettre beaucoup d'émotions que ce soit la colère, la honte, la folie,... Il a notamment réussi à mettre en place une atmosphère très sombre sans pour autant que ce soit étouffant. Bref, je n'ai rien à reprocher à l'écriture.
Personnages
Ghaal : J'aime particulièrement ce personnage, car cela correspond énormément à mon image du héros. Effectivement, pour moi, un héros, même s'il a des amis et de la famille, il reste tout de même seul, triste et il est également malmené. Un héros heureux, pour moi, n'a pas beaucoup d'intérêt. En fait, s'il est heureux, c'est même un non-sens pour ma part. Le principe du héros, c'est qu'il subit toutes les épreuves du roman. Si après cela, il ne s'est pas assombri, c'est qu'il a mal évolué, pour ne pas dire, pas évolué. Ainsi Ghaal est effectivement un personnage qui a trop vécu, qui est triste, en colère et un peu fou, qui est en hésitation constante entre le bien et le mal. Il est très loin d'être le héros parfait un peu cliché, comme Harry Potter, qui me fait plus penser à une victime qu'autre chose. Ce qui le rend encore plus humain. En effet, les épreuves que subissent les personnages principaux, normalement, sont censées engendrer des réactions psychologiques comme pour nous. Je pense notamment au deuil. On peut très bien subir un deuil sans pour autant perdre physiquement quelqu'un. Les désillusions, la trahison, la perte d'espoir... tout ceci peut engendrer un deuil chez un personnage. Et qui dit deuil, dit déni, colère, tristesse, questionnement... De plus, ce qu'on a également tendance à oublier c'est que même si on arrive à la phase de reconstruction, un deuil n'est jamais terminé. On peut très bien fait un bon arrière et retomber dans la phase de colère, par exemple. Et c'est grâce à ses réactions vis-à-vis des évènements que Ghaal est un personnage profond, convaincant et humain... Et c'est tout à fait ce genre de héros qui suscite, certes, l'admiration, mais également la pitié.
Méloria/L'Incarnation de l'Unique : Pourquoi j'analyse ses deux personnages ensemble ? Tout simplement parce que, je trouve, que ce sont les deux faces d'une même pièce. Ce que j'entends par là, c'est que l'Incarnation de l'Unique est le « chef » du pouvoir en place tandis que Méloria est la cheffe des rebelles. Ils sont donc censés se battre pour des causes différentes. Et pourtant, jamais deux personnages opposés m'ont parue aussi semblables. Ils utilisent les mêmes méthodes, avec les mêmes convictions et pour le même but. Et je trouve que c'est vraiment quelque chose de bien construit dans le sens où la notion de bien ou de mal est très subjective. Ce que je veux dire par là c'est, si je me place du côté de Méloria, l'Incarnation est le mal tandis que si je me place du côté de l'Incarnation, c'est Méloria la personne mauvaise. Tout ici est une question de point de vue. Et pour ma part, quand je change de point de vue, j'ai juste l'impression de retourner une pièce, passant du côté à un côté face. En réalité, la seule vraie différence entre Méloria et l'Incarnation, c'est l'âge. Méloria a encore « l'entrain » du début alors que l'Incarnation est depuis longtemps au pouvoir, il est usé par le pouvoir. Et j'aime l'idée qu'il n'y a pas vraiment de bon camp. Seulement des gens qui essayent de ne pas se faire écraser par le système de la Contrée — Unie.
Les autres personnages : Je trouve que les personnages que je considère comme « secondaires » restent tout de même bien construits, ils servent correctement l'intrigue, y ajoutent même un petit plus d'authenticité tandis qu'ils mettent également en valeur les personnages « principaux » en ressortant certains traits de leur caractère.
Intrigue
L'intrigue est à l'image des personnages : cohérente, profonde et complexe. Le héros ne s'en sort pas toujours par miracle, ses « amis » ne débarquent pas de Dieu seul sait où. Cela reste une vraie histoire, un peu à la Games of Throne, où tu te dis qu'à chaque page, tu peux perdre ton personnage préféré. Et c'est un effet ce que j'aime dans les romans, car il y a de plus en plus d'écrits et donc de plus en plus de schémas répétitifs. Donc quand je trouve une histoire « imprévisible », cela me fait plaisir. Ainsi à chaque fois que je tourne une page, je ne me dis pas « il va se passer ça », je me dis « mais qu'est-ce qu'il va se passer ? ». Comme je l'ai dit au début de la chronique, il y a des scènes de violence décrites, ce qui peut potentiellement vous choquer. Pour ma part, je les ai trouvées essentielles à l'intrigue. En fait, je pense que cela va parfaitement avec le personnage principal qui est un personnage torturé. Dans cette intrigue, plusieurs thématiques sont abordées : le pouvoir, la pensée unique, les libertés fondamentales, les trahisons, le deuil, les massacres, un peu de génocides... En bref, c'est un monde assez semblable au nôtre, d'une certaine façon. Et si je devais résumer l'intrigue à une phrase, ce serait : « L'Enfer est pavé de bonnes intentions ».
Monde
Dans ce roman, nous découvrons un monde maîtrisé, complexe et cohérent, à l'image de ce tome. Tous les territoires visités en compagnie des personnages principaux ou secondaires semblent avoir une histoire bien à eux, une histoire travaillée. Même les personnages se sont approprié leur culture. En effet, nous retrouvons dans cet ouvrage quelque chose de très culturel : le racisme. Effectivement, le racisme vient généralement de notre histoire et dans le livre de Lancelot Sablon, c'est très visible. Lorsque je lisais cette ½uvre, je sentais le poids de l'histoire, le poids des préjugés, le poids du pouvoir en place, des peuples asservis, le poids de la culture et des croyances. Je trouve que c'est quelque chose de très puissant. Très franchement, pour ma part, je trouve que c'est un très bon travail, bien construit et très cohérent.
En conclusion... j'ai eu un véritable coup de c½ur pour cette lecture même si je n'en lirai pas tous les jours — c'est une lecture lourde toute de même. On ne peut pas lire ça pour se vider la tête, par exemple —, et notamment pour le personnage principal qui est vraiment la force de cette ½uvre.
Note : 9.5/10