La chronique de « Sous Les Ailes du Dieu Corbeau » de Sara Pintado

Titre : Sous Les Ailes du Dieu Corbeau
Auteur : Sara Pintado
Éditeur : Noir d'Absinthe
Nombre de pages : 327 pages
Résumé :
Alors que le Grand Roi de Chaljuse dépérit, la lutte pour la succession se prépare. Jenarp, son fils cadet, se doit de réussir l'Épreuve des Crocs pour devenir adulte et espérer prétendre au trône.
Ijpurna, garçon fragile et grand amour de Jenarp, aborde l'Épreuve avec beaucoup plus de réticence. Les Mages du Palais comme ses camarades lui vouent en effet une grande ranc½ur due à ses origines comme à son identité de genre, qu'ils risquent fort de lui faire payer quand il sera seul et vulnérable dans la montagne.
Quant à Araxa, fille du Mage Suprême et assoiffée de connaissances, peut-être apprendra-t-elle enfin les Mystères interdits aux femmes, ainsi que le nom secret du Dieu Corbeau ?
Chronique :
Je remercie l'édition Noir d'Absinthe pour m'avoir fait confiance.
Aujourd'hui, je vous retrouve donc avec « Sous Les Ailes du Dieu Corbeau », de Sara Pintado, un livre de fantasy où on suit plusieurs personnages comme Jenarp, le cadet du roi, Ijpurna, le petit-copain de Jenarp et Araxa, une femme qui désespère d'acquérir des connaissances, notamment sur le Dieu Corbeau.
Comme d'habitude, je vais séparer ma critique en plusieurs parties : écriture, intrigue, personnage et monde.
ÉCRITURE
L'écriture de l'écrivaine est très fluide et assez agréable — importance des non-dits —, sans oublier qu'elle s'adapte aux sentiments des personnages. Et cela, c'est favorisé par les introspections et le nombre important de points de vue interne. En effet, grâce à ces nombreux points de vue, on peut connaître tous les « camps » de l'histoire. L'équilibre narratif, c'est-à-dire le rapport entre le récit et les dialogues, est parfait tandis que le rythme est adapté à la situation, même si à certains moments il peut être un peu rapide. Ainsi, les descriptions dynamiques et fluides prennent en compte nos cinq sens, même si elles restent principalement centrées sur la vue tandis que les dialogues sont naturels. Dans ce roman, les registres pathétique et élégiaque sont très présents, comme nous pouvons le voir avec la forte ponctuation du texte et les diverses exagérations présentes dans le roman, ce qui lui confère un petit côté tragédie grecque.
INTRIGUE
L'intrigue de ce livre est complexe : plusieurs intrigues s'entremêlent et se retrouvent plus ou moins liées à la « fin » de l'histoire. Au départ, j'ai pensé que la romance allait prendre toute la place dans l'intrigue. Mais au final, l'histoire se révèle bien plus profonde. En effet, le nombre de points de vue permet de rendre l'intrigue plus complète et complexe. Celle-ci est avant tout centrée sur les jeux de pouvoir et les intrigues de cour. En fait, cela m'a rappelé l'époque avant 1905, lorsque l'Église et l'État étaient encore dépendants de l'un et de l'autre. En effet, l'ambiance de ce roman est un savant mélange entre l'intérieur d'une ֤église — spiritualité — et la cour d'un royaume — complots et corruptions —. Dans cette histoire, on retrouve également de nombreuses thématiques : la peur de l'inconnu et le besoin de comprendre — ce qui explique en grande partie l'existence de la religion —, obscurantisme, l'importance de nos peurs sur nous – le teste présent dans ce roman m'a rappelé le test de Divergente –, le harcèlement, l'homophobie, les relations LGBT+, le polyamour, la polygamie, le viol, le sentiment d'impuissance qui résulte de chaque agression, l'endoctrinement qui se confond assez facilement avec l'éducation, le fanatisme, la foi, l'infériorité des femmes – pas accès à la connaissance –, la théocratie, le pouvoir des mots, la survie, la guerre de Succession — qui rappelle la guerre des Deux Roses —, l'éducation qui fait un peu penser à celle des Spartiates — notamment le passage à l'âge adulte —. C'est assez intéressant, car l'univers est plutôt « moyenâgeux » et pourtant, l'intrigue aborde des thèmes plutôt modernes.
PERSONNAGE
Avant toute chose, il faut avouer que les noms des personnages sont vraiment très étranges. Mais heureusement, ils sont prononçables et ils véhiculent leur culture. De plus, les personnages sont humains et sensibles. Les personnages principaux ont tous une personnalité distincte des autres, ainsi qu'une voix. Et grâce aux nombreux points de vue internes, il est bien plus facile de s'identifier aux personnages et de les comprendre. Quant aux personnages secondaires, ils sont très nombreux et parmi eux, nous avons le Dieu Corbeau. Ce qui est assez amusant, car, dans le roman, il est très important, mais en réalité, il apparaît très peu. Les mages se contentent d'interpréter des prétendus signes. Mais comme le dit l'expression : les voies de Dieu sont impénétrables.
UNIVERS
Bien que les informations de l'Univers de l'auteure soient partagées petit à petit, sans de lourdes descriptions, on repère assez facilement plusieurs éléments relatifs à la culture créée par l'écrivaine : un calendrier, des expressions, des jurons, une société qui fonctionne selon une hiérarchie verticale — pour une démocratie, c'est une hiérarchie horizontale —, un Dieu justicier, les oiseaux espions — représente le contrôle de cette société —... Ainsi, le monde de l'auteure est assez sombre et en aucune façon utopique.
En conclusion... ce livre est vraiment particulier de par son ambiance et ses thématiques modernes.
Note : 8.5/10